Entretien avec Jonathan Casas

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par Maxence Plancher



Pour qu’un club de football fonctionne, il y a bien évidemment les résultats sportifs qui sont primordiaux, mais ces derniers n’ont lieu, que si le travail en interne est bien effectué. Nombreuses sont donc les personnes qui travaillent dans l’ombre. Jonathan Casas, intendant au MHSC, nous a accordé une interview afin de le découvrir lui, et son métier si particulier.


Pour le grand public qui ne vous connaît pas dites-nous qui est Jonathan casas ?

"Je suis intendant au club du Montpellier Hérault Sport Club depuis bientôt 4 ans. Je suis également entraîneur de l’équipe réserve du club de Vendargues en Départemental 2."


Que représente le club du MHSC pour vous et quelle est votre histoire avec ce dernier ?

"Je suis né à Montpellier et le MHSC a toujours été mon club de cœur. Je vais au stade depuis tout petit. Je me souviens encore des fois quand j’allais à la Mosson et qu’il y avait des tribunes en bois à la place de la tribune Gévaudan. Je partais même jouer au ballon sous les tribunes à la mi-temps des matchs. Je dirais que ce club représente beaucoup pour moi et que j’ai le sang orange et bleu."


Comment vous êtes-vous retrouvés intendant pour le club et depuis quand exercez-vous ce métier ?

"Cela s’est fait naturellement et avec une petite touche de chance. Je travaillais pour la métropole de Montpellier pour laquelle j’étais agent d’entretien au stade de la Mosson. Mon rôle était de m’occuper de tous les travaux en ce qui concerne le bâtiment, l’électricité et toutes les taches nécessaires pour le fonctionnement du stade. J’ai exercé ce métier pendant près de 8 ans. De par mon métier, j’étais souvent en contact avec l’intendant numéro 1 du club qui est Rémi Marey, car il y avait souvent des demandes spécifiques et donc il faisait appel à nous. On se côtoyait beaucoup durant la semaine. Puis un jour, le club était à la recherche d’un autre intendant et c’est à ce moment-là que Rémi m’a proposé le poste. Lorsqu’on travaille pour la métropole de Montpellier, on dispose de 5 ans pour effectuer un autre emploi, je me suis donc laissé réfléchir et puis je me suis dit que j’avais toujours été un supporter du club et que c’était impossible pour moi de refuser une telle proposition. Aujourd’hui, j’appartiens toujours à la métropole, mais je suis tout de même en contrat avec le club."

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Nous sommes maintenant le seul club en France qui fait ça ( le patch matchday ) et c’est aussi la raison pour laquelle les collectionneurs se les arrachent sur Internet.

J.C

Comment définiriez-vous le métier d’intendant ?

"Selon moi, c’est un métier de service. Son rôle est de mettre les joueurs dans les meilleures dispositions possibles. C’est à nous de préparer toutes leurs affaires et de gérer le matériel. On doit aussi pouvoir répondre à toutes leurs demandes spécifiques. On doit donc être à l’écoute de nos joueurs. Pour résumer, je dirais qu’un intendant doit pouvoir se mettre en avant sans jamais se mettre en lumière. Par exemple hier, à Pau (vendredi dernier lors des 32e de coupe de France). À la mi-temps du match, Joris Chotard a cassé son lacet. En plus, on perdait 1-0 donc c’était un peu le feu dans le vestiaire. J’ai donc dû m’y rendre, en plein milieu, pour régler ce problème, en plein discours du coach. Il fallait que je sois là sans vraiment être là. Ce métier demande beaucoup de discrétion, car on doit agir tout en restant à notre place."


Combien recevez-vous de maillots pour la saison ?

"En réalité, je n’ai pas vraiment la réponse à cette question, car au MHSC, ce ne sont pas les intendants qui ont la main sur les maillots. Un personnel est chargé de s’en occuper et les floquer et je vais dire tant mieux ! Nous, on s’occupe de les récupérer 2 ou 3 jours avant le match et on les contrôle."


Les maillots sont-ils réutilisés pour les matchs d’après étant donné qu’il y a le badge « match day » ?

"Non, les maillots sont à usage unique, car effectivement, on vient floquer sur chaque maillot un petit patch avec la date du match, le numéro de la journée de ligue 1 et le blason des deux clubs de la rencontre. Nous sommes maintenant le seul club en France qui fait ça et c’est aussi la raison pour laquelle les collectionneurs se les arrachent sur Internet. Si les joueurs veulent garder leur maillot, le donner à un supporter ou l’échanger avec un joueur, il lui sera facturé. Tous les lundis, on note sur une feuille de match les retours qu’on a eu des joueurs pour vérifier s’il y a des manques. D’autant plus que pour le musée Nicollin, on récupère un maillot de Montpellier et un maillot de l’équipe adverse à chaque match. Donc on s’entend toujours avec l’équipe d’intendance de l’équipe adverse durant la semaine en amont du match pour pouvoir en récupérer un."


Combien de maillots sont-ils emportés à chaque match ?

"Pour les jours de match, on prend 2 maillots, 2 shorts, 2 paires de chaussettes, 2 sous-maillots et 2 caleçons/ sous-short par joueurs plus toutes les autres affaires personnelles selon leurs demandes."


Que se passe-t-il en cas d’oubli ?

"Je vais être honnête avec vous, il ne vaut mieux pas que ça arrive ! Si on oublie un maillot à domicile, ça peut aller, on peut trouver une solution, mais quand on est à l’extérieur, le problème devient très grave. Tout d’abord, parce que le joueur sera mécontent, mais aussi parce qu'on se fera reprendre par la direction. On doit aussi faire très attention à ne pas emporter des maillots de la mauvaise taille, car les joueurs n’aiment pas ça du tout et ça les met directement dans de très mauvaises dispositions."

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Il faut savoir que le club est devenu le premier club zéro plastique de France donc il n’y a plus aucune bouteille en plastique à l’entraînement [...] et au complexe de La Mosson.

J.C

Pouvez-vous nous décrire une journée type entraînement ?

"Pour une journée d’entraînement à 11 h, j’arrive au complexe à 7h30/8h, je m’occupe de la préparation des ballons, je les regonfle et j’en prépare le bon nombre. On met à disposition 40 ballons, 10 pour les gardiens, 30 pour les joueurs, même s’il peut y avoir des fois où on en rajoute 10 de plus en fonction de la séance prévue par le coach. Ensuite, avant la séance, on prépare le matériel demandé par le coach, les gobelets des joueurs, car il faut savoir que le club est devenu le premier club zéro plastique de France donc il n’y a plus aucune bouteille en plastique à l’entraînement, dans les locaux de Grammont (centre d’entraînement du club) et au complexe de La Mosson. Nous devons donc préparer des bonbonnes d’eau qu’on amène sur le terrain pour remplir les gourdes et les éco-cups aux noms des joueurs. Puis dès que les joueurs ont des pauses boissons, on doit vite aller remplir les verres vides. Enfin, on doit répondre à toutes les petites demandes des joueurs, du staff médical et du coach durant la séance."


Et une journée type match ?

"Je vais prendre l’exemple d’une journée type match à la maison, lorsqu’on joue à La Mosson. En général, c’est le dimanche à 15 h. Tout d’abord, on prévoit les matchs quelques jours plus tôt dans la semaine. On prépare en amont les chasubles, shorts, chaussettes, les équipements pré-match, c’est-à-dire les survêtements, jogging, etc. On prépare un paquetage d’échauffement et un de match. Le jour-J, on charge tout dans la camionnette et on décharge tout au stade afin de mettre le vestiaire en place. On met tous les maillots sur les cintres, on pose les shorts et les chaussettes sur leurs casiers et sur la table au centre du vestiaire. On dispose aussi les bonbonnes d’eau avec les gobelets. Une fois que le vestiaire est prêt, on part manger à l’hôtel et on rejoint le groupe pendant 1h/1H30, avant d’aller se reposer une à deux heures. Par la suite, on retourne au stade, on s’occupe de toutes les demandes des délégués. On accueille les arbitres et on leur donne les tenues de matchs pour qu’ils contrôlent les couleurs des tenues des joueurs et du gardien. Ensuite, on retourne auprès des arbitres récupérer les tenues qu’ils ont validées ou non et dans ce cas-là, on doit en proposer une autre. Par exemple, hier à Pau, l’arbitre a refusé que les joueurs s’entraînent avec des chasubles bleu ciel donc on s’est échauffé en rose. Ensuite, on donne les ballons, nos joueurs ont 20 ballons à domicile et à l’extérieur, on prend un filet de 15. Après l’échauffement, on les réceptionne, les joueurs rentrent au vestiaire et j’amène le capitaine auprès des arbitres pour qu’il signe la feuille de match. Quand tout cela est fait, les joueurs sont tous dans le vestiaire et tout le monde est dans le match."


Que se passe-t-il une fois que le match commence ?

"Une fois le coup d’envoi sifflé, on doit être très vigilant aux demandes des joueurs durant le match, être très rapide pour leurs donner à boire durant les temps morts. Durant la mi-temps, on répond à toutes les demandes de l’équipe et du staff médical. Mais pour les intendants, la grosse partie du travail est terminée avant le match. Quand il débute, c’est aux joueurs d’effectuer leur travail, nous, on a fait tout notre possible pour les mettre dans les meilleures dispositions possibles. À la fin du match, on remballe tout, puis on rentre à Grammont, afin de décharger la camionnette et on lance les premières machines pour aider la lingère qui nettoie tout le lendemain et la journée prend fin. En réalité, on est les premiers arrivés et les derniers à partir !"


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Je peux citer l’exemple de Téji Savannier [...]. Il joue toujours avec le même brassard de capitaine, il ne le change jamais et donc quand il est blessé ou suspendu, le nouveau capitaine en utilise un autre.

J.C

Quelle est la partie que vous préférez dans votre métier et la chose la plus complexe ?

"Ce que je préfère dans mon métier, c’est le côté relationnel. J’apprécie pouvoir côtoyer les joueurs au quotidien et j’aime préparer le jour du match, car c’est l’aboutissement du travail de toute la semaine. Notre objectif est de réussir le match. Cependant, selon moi, la partie la plus complexe est l’enchaînement d’heure. Attention ! Je ne me plains pas de mon métier, car je suis conscient qu'énormément de monde aimerait travailler dans ce monde-là, et je me considère comme un privilégié, mais il est vrai que parfois l’enchaînement d’heures peut être assez lourd."


Combien êtes-vous à ce poste, et comment s’organise votre équipe ?

"Nous sommes 2 intendants. Au niveau de l’organisation, mon collègue arrive vers 7 h à Grammont tandis que moi, j’arrive vers 8 heures et il part une heure avant moi. Pour ce qui est des matchs, c’est souvent Rémi qui part avec l’équipe lorsque le voyage se fait en avion, pendant que moi, je reste sur Grammont avec les joueurs blessés et/ou non convoqués. Pour les déplacements en bus, nous partons tous les deux."


Avez-vous des anecdotes à propos de certains joueurs ou de leurs habitudes/superstitions ?

"Oui bien entendu, il y en a beaucoup au sein de l’équipe et du staff. Je peux citer l’exemple de Téji Savannier, je pense qu’il ne m’en voudra pas ! Il joue toujours avec le même brassard de capitaine, il ne le change jamais et donc quand il est blessé ou suspendu, le nouveau capitaine en utilise un autre. Téji veut avoir son propre brassard. Ensuite, au niveau du staff, il y a un adjoint qui a une superstition. Si on gagne un match, il reportera les mêmes chaussures et le même blouson au prochain match, et ce, jusqu’à ce que l’on perde ou qu’on fasse un mauvais match. Si on est défait, il va donc changer toute sa tenue et tant qu’on ne gagnera pas à nouveau, il continuera de la changer."


Il y a-t-il des joueurs qui vont plus marqué que d’autres ?

"Oui, nécessairement. Soit parce qu’ils étaient des joueurs atypiques, soit parce que nous avions créé des affinités. Si je devais en citer quelques-uns, je dirais qu’il y a eu : Téji Savannier, Gaëtan Laborde, Jordan Ferry, Andy Delort, Souleymane Camara et Vitorino Hilton pour sa longévité."


Que se passe-t-il quand il y a un nouveau joueur au sein du vestiaire ?

"Lorsqu’un joueur intègre l’effectif, il nous est présenté et on s’occupe directement de préparer toutes ses affaires avec la bonne taille et on voit avec lui s’il a des demandes particulières."


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  • Enfin, si Jonathan Casas n’était pas intendant, que serait-il ?


"Bonne question. À vrai dire, je ne me suis jamais vraiment posé la question. Je dirais que j’occuperai le poste que j’avais avant ce métier, car j’y étais plutôt épanoui ou je serai coach. C’est quelque chose qui m’a toujours beaucoup plu. Je suis actuellement coach au club de Vendargues en départemental 2, mais je viens de passer des diplômes pour pouvoir coacher plus haut, espérons en régional…"