Entretien avec Ferté, Bedou et Kevin

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par Soane DELTOUR


Vaincu la nuit dernière sur la pelouse de Cardiff lors de la première journée de challenge Cup (41-0), le CAB poursuit sa triste série de 8 défaites consécutives toutes compétitions confondues. Pour ce qui ressemble à une habitude ces derniers temps, de nombreux jeunes, fraichement sortis du centre de formation, étaient une nouvelle fois inscrits sur la feuille de match. Connaissant une période délicate en top14 (dernier du classement), les Corréziens cherchent un second souffle et misent de plus en plus sur des produits locaux. Trois d’entre eux, qui ont récemment disputé leurs premières minutes en professionnel avec Brive, nous ont accordé une interview.


Mathis Ferté (arrière- demi de mêlée), Noé Bedou (troisième ligne) et Fabien Kévin (trois-quarts centre). Tous les trois, ont disputé leurs premières minutes sous les couleurs noires et blanches, en Top14. Le premier contre le Racing 92, le second face au Rugby Club de Toulon et le troisième, contre le Stade Rochelais. Pas initialement reconnu pour leurs qualités de surfeurs, les trois jeunes rugbymans ont pourtant su floater la vague amenant avec elle plusieurs jeunes dans le groupe professionnel. Leur passion pour le monde de l’ovalie anime leur vie au quotidien depuis quelques années maintenant. Pourtant, le premier chapitre de leur histoire avec le rugby ne s’est écrit de la même façon. Pour Mathis Ferté, 18 ans, c’est une histoire familiale. Vous savez, on dit souvent que le petit frère veut s’inspirer voire copier le grand frère, là, on s’en rapproche. « C’est mon frère, ayant touché en premier le fameux ballon ovale, qui m’a donné envie de pratiquer ce sport » disait-il. Pour Fabien Kévin, l’histoire avec le rugby s’initie aussi par une histoire de lien. « J’ai commencé à pratiquer ce sport à l’âge de 11 ans, c’est le premier d’ailleurs. Il me permettait de me défouler et j’en avais besoins. En plus, je partageais cette passion avec mon meilleur ami. Cela nous permettait de passer des moments ensemble et depuis tout ce temps je n’ai jamais quitté le rugby et le rugby ne m’a jamais quitté » se réjouissait-il. Noé Bedou, lui, a testé plusieurs sports avant de connaître le rugby. « J’ai pratiqué du foot, du basket, du judo ou encore du hockey mais rien ne m’intéressait réellement jusqu’à tester le rugby à l’âge de 8 ans. C’est en allant voir un match de l’équipe première du CAB que j’ai voulu essayer » confiait-il.

Comme pour les débuts avec le rugby, les parcours scolaires de ces jeunes joueurs n’ont rien de similaire. Le jeune originaire de la région cadurcienne (M.F), ayant déjà un bac STMG en poche, poursuit ses études en école de gestion et de commerce pour par la suite travailler dans l’entreprise du père et lui-même. Toujours une histoire de famille pour Mathis Ferté…Noé Bedou, lui, possède déjà un bac scientifique et une licence STAPS et suit un master en marketing et communication sans pour autant avoir de métier en vue. En revanche, Fabien Kevin, lui en a un. En première année de STAPS, il espère ouvrir une structure spécialisée pour la remise en forme des personnes en obésité et d’en devenir le manager. Certains diront qu’il faut tout miser sur la réussite dans le rugby, d’autres qu’il faut toujours garder les études à côté et c’est ce que nous ont répondu les trois brivistes. « Je fais des études pour assurer mes arrières pour l’avenir car on ne sait pas ce qu’il peut se passer...Le rugby ça ne dure pas toute la vie, du jour au lendemain tout peut s’arrêter pour x raison » disait F.K. tout haut ce que ses coéquipiers pensaient.

Tout fan ou pratiquant de sport, se voit dans un sportif de haut niveau. Pourtant, en général, ceux qui sont des véritables exemples à suivre n’aiment pas se caractériser comme idole. Le rappeur Tiakola, qui a crevé l’écran, ou du moins le micro, cette année, le souligne d’ailleurs dans sa chanson Meuda « J’veux pas être ton idole, mais ton inspiration ». Cependant, quand on pose la question à nos trois interviewés, tous nous présentent ça comme des idoles. Pour Mathis Ferté, ce sont le toulonnais Cheslin Kolbe et le toulousain Antoine Dupont, élu meilleur joueur du monde en 2021 par World Rugby. « Moi ? j’en ai beaucoup des idoles. A mon poste (trois-quarts centre), j’ai Virimi Vakatawa ou Rieko Ioane. A l’aile, ça serait aussi Chelsin Kolbe. Mais mon idole ultime reste Beauden Barett. Ce sont tous des joueurs très rapides et qui amènent beaucoup d’impulsion au jeu ce qui je pense me caractérise bien » analysait Fabien Kevin. Pour Noé Bedou, ses idoles sont Charles Ollivon ou Ardie Savea, qui selon lui « sont très inspirants par leurs qualités physiques ou techniques. Ils sont complets et propres mais surtout très réguliers dans leurs performances ».


La question qui vient surement à de nombreux de gens est comment font ces jeunes pour allier études et sport de haut niveau. À Brive, les professionnels s’entraînent toute la semaine ou presque. Le lundi, c’est récupération en plus d’une analyse vidéo du dernier et prochain match. Puis, le mardi, musculation, vidéos et entraînements sont au programme. Le mercredi, c’est la journée la plus intense avec du volume et du contact dans les séances collectives ou séparées (avants avec avants et arrières avec arrières). Le jeudi est un jour de repos qui permet de se consacrer aux études pour les plus jeunes ou à la famille pour les anciens. Enfin, vendredi, dernier jour d’entraînement avant le match avec donc le team run et derniers préparatifs pour le match. « Dur », c’est le mot qui ressort globalement de chez nos interviewés malgré toutes les aides du club pour les aider à allier les deux. Mais selon les études, ça l’est un peu moins. « Ce qui est bien à Brive, c’est que la filière STAPS est très bien organisée et il est facilement possible de concilier rugby et études » dixit Fabien Kevin.


Les vérités d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain

Noé Bedou

« Les vérités d’un jour ne sont pas celles de demain » disait Noé Bedou. « Mes premiers matchs en pro, ma première en top14, c’est quelque chose que je n’oublierai jamais » confiait Fabien Kevin, passé par le Red Star Champigny, le Stade Français avant Brive. « Ce que je vis depuis cet été est superbe, que ce soit avec l’Equipe de France (champion d’Europe à 7 des moins de 18 ans) ou Brive, mais le chemin est encore long donc faut garder les pieds sur terre et continuer à travailler plus que les autres » annonçait Mathis Ferté. Tous sont conscients que les deux dernières années sont sûrement les plus belles de leur jeune carrière de rugbymans. La pression les galvanise mais ne les submerge pas et ce qui leur arrive, n’est que bénéfique. « Jouer contre des grands joueurs comme ça c’est enrichissant et impressionnant. Ça permet de se jauger et de voir le travail qu’il reste à faire » soulignait Noé Bedou, qui a notamment affronté le RC Toulon et les Saracens pour ses débuts. Mathis Ferté, lui, l’histoire de sa première titularisation vaut le détour. « La veille, je suis rentré chez mes parents à Cahors car ça faisait longtemps que je ne les avais pas vu. Le lendemain, je prends la route vers les coups de 10h avant qu’une heure plus tard, Arnaud Mela (l’entraîneur du groupe pro) m’appelle pour m’annoncer que je serai titulaire contre le Racing 92 le soir même. Je suis tout de suite allé au stade pour recevoir les consignes et ils m’ont directement mis à l’aise ce qui a descendu la pression » se rappelait-il. Fan de boxe, qu’il a pratiqué pendant 2 ans en 6e, et de la bande originale du film Creed, on peut dire qu’il boxe désormais dans la cour des grands puisqu’il compte déjà 5 feuilles de matchs en Top14 et 1 en coupe d’Europe (dont 4 titularisations), et notamment 2 essais (contre le Racing et contre l’UBB). Ce dernier est donc la fierté de tous ses proches et notamment de sa copine, Emma. « Je suis très contente pour lui, il a su saisir sa chance et profiter des opportunités. Je suis là pour le soutenir dans les bons comme dans les mauvais moments. Je vais d’ailleurs voir ses matchs dès que possible » confiait-elle.

Faire rentrer des jeunes avec le groupe professionnel apporte du sang frais, de la fraicheur et de l’insouciance dans une période où vous avez l’impression que rien ne vous réussi. Mais cela représente une certaine prise de risque. Comme quand la mère veut faire marcher trop vite le bébé et qui dès le premier pas posé, tombe car il n'a pas les jambes assez solides. Pourtant, jouer au haut niveau ne fait pas perdre les pédales à ces jeunes joueurs qui sont toujours plus gourmands et en veulent toujours plus. « Si je devais caractériser le joueur que je suis, physiquement, je me considère comme plutôt rapide et puissant. Mentalement, je suis quelqu’un de perfectionniste et persévérant » analysait Fabien Kevin. Ils n’ont pas le même parcours, ni les mêmes objectifs scolaires, ni les mêmes expériences mais ont un objectif semblable, celui de réussir sans se fixer de limite. « Mon objectif à court terme est de pouvoir disputer le plus de matchs possibles en Top14 pour pouvoir montrer l’ensemble de mes capacités. Sur le long terme ça serait évidemment de décrocher mon premier contrat professionnel » disait F.K. Être sur le devant de la scène ne leur fait pas non plus perdre le sens de l’humour comme Noé Bedou quand on lui demande si la Coupe du Monde 2023 était dans un coin de sa tête. « Elle est dans un coin de ma tête sur le canapé devant ma télé. Nan sérieusement pas du tout, je me concentre sur le club et c’est déjà bien… » .

Vocabulaire

  • Floater

    Quand une vague se casse, le surfeur a le choix de la descendre ou de monter par-dessus le lip pour atteindre l’autre section sans perdre de vitesse : floater, donc. On l’appelle ainsi parce que les surfeurs ont la sensation de flotter quand ils glissent au-dessus de la vague

  • Team run

    Le team Run (mise en place) est une séance d'entraînement menée par le capitaine de l'équipe et non par l'entraîneur. Il a lieu à un moment prédéterminé, généralement la veille du match. L’équipe est censée passer environ 50 minutes sur le terrain