Entretien avec Alexis Grasso

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par Soane Deltour


Son visage, ou plutôt sa voix, vous est sûrement familier. Bein Sport, Télefoot et aujourd’hui Amazon Prime, Alexis Grasso a aussi bien écumé les plateaux télé que les terrains de la Ligue 1 Uber Eats. Ce week-end, il était une nouvelle fois de sortie, du côté de la Meinau pour présenter l’affiche opposant strasbourgeois et toulousains. En baisser de rideau, retrouvez sa longue et passionnante interview dans nos colonnes.


  • Le sport et lui



Le PJ : « Tout d’abord, d’où vous est venu cette passion pour le sport, et en particulier le foot ? »


AG : « Je pense que c’est comme des millions de personnes. J’ai été baigné dedans depuis tout petit, dès que je sortais de chez moi, je voyais des gens jouer. Puis, mon père a pratiqué pendant longtemps en tant que gardien à Calcio Catania ce qui nous a initiés au football. Je ne vais dire depuis mes 1 an, car ça serait exagéré, mais depuis mes 4/5 ans, je n’ai jamais quitté le foot».


PJ : « Vous en pratiquez ? »


AG : « Oui, depuis tout petit. Aujourd’hui, je joue moins, car les matchs sont le dimanche après-midi donc je ne peux pas avec mon travail, mais je participe à tous les entraînements, 2 à 3 fois par semaine. Je joue en R3 à la Salésienne de Paris, dans le 17e arrondissement. Je suis un peu le Marcos Alonso droitier. En bref, je suis le mec le plus entraîné, mais le moins compétitif du monde (rires)… »


PJ : « Il me semble aussi que vous avez participé plusieurs fois au tournoi des médias ? »


AG : « Oui…c’est super sympa et l’idée était très bonne mais depuis le Covid, ça a été un peu mis de côté. Quand tu affrontais des rédactions sportives, tu pouvais tomber sur des anciens joueurs comme Jérome Rothen et Mathieu Bodmer pour RMC, Govou et Beye pour Canal… Puis, c’est bon enfant, car le niveau est assez homogène. Il y a des personnes qui n’ont jamais touché un ballon comme ceux qui en font en club par exemple. »


PJ : « Suivez-vous cette mode de s’initier au padel ? »


AG : « En manière générale, je m'entretiens au quotidien. Je vais beaucoup courir par exemple. Mais pour le paddle, la réponse est oui ! C'est grâce à Smaïl Bouabdellah et Thibaut Le Rol notamment, qui eux prennent ça vraiment au sérieux. C’est très addictif car c’est physique tout en étant ludique et moins technique que le tennis… »




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  • Son parcours


PJ : « Quel parcours scolaire et professionnel avez-vous suivi ? »


AG : «Après avoir obtenu un Bac Économique et Social, j’étais un peu perdu, car je ne savais pas quoi faire. Assez doué en langues, je me suis donc lancé dans une licence LEA (Langues Etrangères Appliquées) pendant 1 an avant de complètement changer de cursus pour arriver à l’IEJ (Ecole internationale de journalisme) de Paris. Ce déclic, je l’ai eu lors d’une rencontre avec un certain Smaïl Bouabdellah, à l’époque chez l’Équipe. On s’est rencontré par le biais d’un ami en commun, et lorsqu’il m’a expliqué son parcours, je me suis dit, c’est ça que je veux faire !


Concernant le monde professionnel, j’ai commencé sur une chaîne qui malheureusement n’existe plus aujourd’hui. Elle s’appelait Non-Stop People, du même genre que BFM, mais pour analyser la vie people. Ça sera mon véritable centre de formation si on peut comparer ça au foot, car c’est là que tu apprends à tout faire et que tu peux tenter des choses. Puis, un jour, je reçois un appel de Smaïl [Bouabdellah], qui travaillait chez Bein Sport, pour me dire qu’ils cherchaient un pigiste. C’est de là que part notre histoire puisqu’après, ils m’ont proposé un contrat. Je me suis vite retrouvé sur les plateaux en tant que chroniqueur ou présentateur pour différentes des émissions. J’ai même eu la chance de tourner des sketchs sur le même principe que Bloqués, de Canal + avec Orelsan. Pour ceux qui ne connaissent pas, ils étaient affalés sur un canapé parlant de tout et de rien. On a donc repris ce principe pour présenter les matchs du week-end. Puis, au bout de 4 ans, j’ai connu une nouvelle expérience avec Mediapro en étant présentateur sur Teléfoot avant d’être aujourd’hui, et depuis près d’1 an et demi, sur Prime Vidéo ».

Smaïl Bouabdellah, [...] C’est un coup de foudre amical !



Alexis Grasso

PJ : « Est-ce qu’il y a une période qui t’as le plus marqué ? Si oui, pourquoi ? »


AG : "J’en retiendrai 2. Mes débuts à Bein car je découvrais une grosse rédaction. J’étais encore jeune donc j’avais des étoiles dans les yeux et en fait, j’ai rencontré une équipe de foot magnifique. Je peux te comparer ça à un vestiaire. Tout le monde rigole, se charrie et c’est quelque chose qui m’a marqué. Et je tiens à remercier Mariella Tiemann qui a cru en moi dès le début, qui m’a donné ma chance, qui a poussé pour que je fasse de l’émission avec elle ... Et Smaïl Bouabdellah, qui lui, a cru en moi avant même Bein et aujourd’hui, on est encore pote. C’est un truc de dingue de faire des matchs ensemble. Ça fait 10 ans qu’on se connaît, on a joué au foot ensemble, on connaît très bien nos familles…C’est un coup de foudre amical !


Pour l’anecdote, quand on faisait du foot ensemble, on était un groupe de 4 amis, tous réunis par la même passion. On était fan, et vous ne me jugerez pas, de télé réalité et des Anges de la Téléréalité. On s’était créé un groupe What’s App, qui existe encore et qui est toujours très bien actif, qui s’appelle le FC Fratés des Anges. Et en fait, on débriefer le foot, mais surtout les épisodes des anges de la téléréalité. Parfois, on se retrouvait les samedi soirs chez un de nous, car NJR 12 rediffusait tous les épisodes de la semaine. Donc, avec Smaïl, c’est notre 2e passion commune. Mais bon, je vous rassure, on a tous bien évolué et on ne regarde plus de télé réalité même si Smaïl, est un fan inconditionné de l’Amour et dans le Pré.


Mais sinon, je retiendrai l’aventure que je suis en train de connaitre. Prime offre une autre manière de fonctionner, voir et consommer le foot. Et que j’adore. Moi, j’avais pour habitude de faire une émission en direct d’un plateau télé, alors que là, on est en direct du stade. Il n’y a rien de plus enrichissant que de donner des infos quant à 2 mètres de toi il y a l’équipe qui s’échauffe ou le coach qui est en train de donner ses consignes. Je trouve ça exceptionnel du point de vue journalistique mais aussi fanatique ! »

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Tes devoirs c'est de regarder des matchs de foot ou des interviews...

Alexis Grasso

PJ : « Si vous avez un conseil à donner à un jeune qui veut devenir présentateur, que serait-il ? »


AG : « Ça va être un peu bateau mais je suis partisan du on a rien sans rien. Il faut toujours être à 200 % sur la moindre tache qu’on va te demander, donc sans travail, sans rigueur, sans persévérance, tu n’arriveras pas à tes fins. Tu vas forcément te fixer un objectif et il faut donner le meilleur de toi-même [pour le réussir]. Donc je dirai travail, rigueur et persévérance, ce sont les 3 clés pour moi dans ce métier-là ».


PJ : « Comment définiriez-vous le métier de présentateur ? »


AG : « Ce sont des métiers de passion. Bien évidemment, il y a des avantages et des inconvénients, mais quand tu kiffes le foot et que tu vois ça de loin, c’est aberrant. Tu es au stade tous les week-ends, tu croises tous les joueurs, tes devoirs, c’est regarder des matchs de foot ou des interviews… Après voilà, au tout début, un commentateur, il sera trop content de faire un match de championnat banal alors que 4 ans plus tard, le même match l’excitera beaucoup moins, car il voudra commenter des matchs plus prestigieux. C’est normal. Mais 90 % du truc, c’est exceptionnel."


PJ : « Quelles sont les qualités requises pour être en devenir un bon [présentateur] ? »


AG : « Si tu veux être présentateur sportif comme moi, il faut dans un premier temps la plupart des matchs, même les amicaux. Sinon, difficile d’être crédible auprès des fans… Lire tout ce que tu peux, mais en particulier la presse locale et nationale, regarder des conférences de presse etc… Et ensuite, être naturel. Par exemple, nous, on fait des émissions avec des consultants et moi, je crois beaucoup au feeling. Si tu arrives à connaître la personne en face de toi, l’émission n’en sera que meilleure. Si tu vois qu’il est gardien, tu vas aller le chercher sur sa sensibilité ou sur son expérience, si tu vois qu’il est très tactique, va le chercher sur le déplacement des joueurs. Pour moi, un bon présentateur, a des connaissances solides sur l’actualité et fait attention à son environnement, joueurs et consultants».


PJ : « Pouvez-vous nous décrire brièvement une semaine type de travail ? »


AG : « En général, à Prime, on a une réunion dès le lundi. On fait le debrief du week-end, les points positifs et négatifs, et on se projette sur la prochaine journée. On rappelle les demandes qu’on a faites ou qu’on souhaite faire. Par exemple, dimanche ( l'interview a été réalisée avant le match), je vais à Strasbourg qui est dans une actualité mercato dense avec le maintien de Mathieu Le Scornet, ancien adjoint de Julien Stephan. Nous, on aimerait donc bien avoir le président Marc Keller en plateau avec nous. Donc, lors de la réunion, on dit qu’on voudrait l’avoir, de telles minutes à telle minute pour lui demander telle et telle chose. Le mardi et mercredi, je discute avec le chef d’édition. C’est lui qui rédige tout ce qui va se passer de la prise au rendu d’antenne. Pour un match à 15h, tu commences à 14h40 donc il va établir un conducteur de tout ce qui va se passer de 14h40 à 17h40. On pointe les thèmes, idées, palettes tactiques, et on en discute avec nos patrons pour voir si c’est possible. Le jeudi, il y a toutes les conférences de presse et les groupes qui sortent, donc tu te mets un peu dessus. En fonction de ce qui se dit, on modifie ou pas notre conducteur. Puis tu agrémentes tout ça par la presse nationale et locale."


PJ : "Et une de match ?"


AG : "Le match arrive. Tu prends le train avec toute l’équipe, tu discutes de ce qu’on va faire sur place, on met au point les interventions… Puis, on a une réunion H-2 avec les délégués du match, l’équipe d’Amazon, et les attachés de presse des 2 équipes. L’idée est donc de rappeler à tout le monde tout ce qui est mis en place pour le bon déroulement de la rencontre. On a toujours 2 interviews à faire en avant-match, 1 pour chaque équipe, ce qu’ils appellent le H-90. On les fait quand les joueurs sortent pour une reconnaissance pelouse. Très vite, sur le plateau, on se met en place car mine de rien, ça met du temps. Une fois prêt, on part pour presque 3h de direct avec le match compris. Donc voilà le résumé de mon travail à la sauce Grasso »


PJ : « Comment se déroule une interview sous le nom de Prime ? Avez-vous des consignes à suivre ? »


AG : « Habituellement, on sait 48 ou 34 heures, en avance, qui sont les joueurs qu’on aura en H-90. Mais oui, il y a toujours des consignes. Les boss vont proposer des sujets à aborder, mais faut bien choisir, car on a le droit qu’à 3 questions. Donc il faut aussi se fier au conducteur établi pour tout relier l’interview à la présentation d’avant-match. Pour les joueurs qui viennent en plateau, on fait la demande pendant la rencontre vers la 80e comme ça, on connaît les hommes clé de la rencontre, et après, c’est à l’attaché de presse de choisir. Mais pour être transparent, c’est compliqué, car l’attaché peut aussi bien nous envoyer le triple buteur que le défenseur remplaçant qui rentre à la 88e. Donc on n’a pas d’obligations à respecter, mais y a toujours des idées ou des envies préalablement établies. »

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PJ : « Revenons à vous. Aujourd’hui, vous êtes sur Prime Vidéo, qui vous offre une expérience unique, celle d’être présentateur au bord d’un terrain. Tout d’abord, Amazon offre une nouvelle option de consommation avec le passage sur une application. Comment percevez-vous l'évolution des modes de consommation et qu’est-ce que cela change dans votre métier ? »


AG : « À mon métier, pas grand-chose, car pour moi en France, quand tu kiffes le foot, peu importe la chaîne ou la plateforme, les gens vont s’abonner pour y avoir accès. En termes de consommation, la vision de Prime de ne plus faire d’émission plateau télé, mais de prendre 20/30 min avant le coup d’envoi et après le match en direct des stades est, je pense la meilleure idée qu’on puisse avoir. J’ai l’impression que ça s’américanise un peu. Ça rappelle un peu le NBA League Pass qui offre déjà depuis un long moment ce mode de consommation pour les amateurs français de NBA.

Surtout qu’aujourd’hui, on ne regarde plus ou presque plus la télé. On utilise que la tablette et/ou son téléphone. Pour moi, c’est du pain béni. Quand je suis en déplacement et que je couvre un match le dimanche à 13h, et bah dans le train du retour, j’allume mon téléphone et j’ai accès à tous les matchs de 15h. Donc je trouve cette approche très pratique et intelligente ».


PJ : "Je me permets une toute petite parenthèse. Le 20 novembre dernier, vous avez présenté la 2e édition du Tournoi de l’Enfance, organisé par Mohamed Bouhafsi et qui avait lieu au Parc des Princes. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?"


AG : « La cause qu’il défend, est juste magnifique. L’événement est organisé de la meilleure des façons. Les enfants s’entraînent avec l’équipe professionnelle de leurs régions, visitent le centre d’entraînement, foulent la pelouse du Parc des Princes puis ils regardent des spectacles ou visitent même, tout ça avant de dormir dans un super hôtel. En faisant ça, tu leur permets de mettre de côté leur douloureux quotidien, l’instant d’un tournoi, d’une journée voire d’un week-end. Ce pourquoi se bat Mohamed Bouhafsi et la façon dont il mène ce combat est admirable. D’autant plus que je suis père de famille depuis près d’un an et demi, et forcément, tu vois ça différemment. Puis devant toi, tu as des enfants, mais quand tu discutes avec eux, ce sont des personnes qui ont une maturité assez exceptionnelle et ils sont capables de te mettre une grande claque à chaque prise de parole. C’est assez costaud émotionnellement à vivre, car tu rencontres des personnes exceptionnelles.

Mon rôle était donc de couvrir l’événement, avant et après les matchs, interviewer les invités ou les jeunes. J’allais leur demander leurs ressentis, ils venaient sur le plateau de Prime pour raconter leur journée, les buts qu’ils avaient mis, c’était vraiment cool. Puis, j’ai eu un atome crochu avec les petits de Clermont et donc ils faisaient semblant d’être journaliste et de me poser des questions... ». L’instant pour eux, ici aussi, de pouvoir s’imaginer un futur meilleur…

Et à long terme, ça serait de vivre une Coupe du Monde sur place

Alexis Grasso

  • Le TacôTac


PJ : « Quel est votre pronostic du podium et des descentes à la fin de la saison en Ligue 1 ? »


AG : « Je pense que l’actuel sera le même à la fin (Paris, Lens, Marseille). Si tu m’avais demandé en début de saison, je t’aurais dit Lille troisième, mais les Marseillais m’ont vraiment surpris.

Concernant les relégations, c’est compliqué mais je vois Angers, Auxerre, Ajaccio et Montpellier descendre. J’ai bien peur que les Montpelliérains refassent la même chose que les Bordelais la saison dernière. »


PJ : « Quel est le stade qui vous a le plus marqué ? »


AG : « Je n’ai pas fait Marseille même si on m’en vend que du bien, donc je dirai Bollaert car c’est exceptionnel. Tu peux faire un Lens-PSG ou Lens-Angers, ça peut être un mercredi comme un samedi soir, peu importe, t’aura 38 000 personnes. Ils vont chanter tout le temps de la même façon, qu’il y est 1,2,3-0 ou 0-1,2,3, c’est juste fabuleux ».


PJ : « Quel est le joueur qui vous a le plus impressionné ? »


AG : « Encore une fois, je n’ai pas fait Paris et Marseille mais je dirai Téji Savanier car il a une main à la place du pied et Ludovic Blas car c’est un footballeur très élégant qui pour moi va connaître des grands clubs dans un avenir certains ».

PJ : « Quels sont vos objectifs à court et long therme ? »


AG : « À court terme, de continuer à kiffer et puis j’aimerais faire un gros match le dimanche soir, au Parc des Princes ou au Stade Vélodrome. Et à long terme, ça serait de vivre une Coupe du Monde sur place. Présenter une émission dans un stade sur place doit être incroyable à vivre ! ».


  • L'anecdote


AG : « J’en ai deux. La première, à MédiaPro, quand la France apprend que la chaîne va couler et qu’on va tous se retrouver au chômage. C’était moi qui présentais l’émission du jour. J’étais avec Felix Roi et Loïc Perrin le plateau. Puis vers la fin, Felix semblait me dire quelque chose, mais moi, je ne comprenais pas, car j’étais concentré dans mon émission. Je clôture l’émission. Puis, à la fin, il me dit, regarde ton téléphone. Je vois tous les messages avec des cœurs, des « bons courages », « on est avec toi » et la notification que MédiaPro va fermer. Je pense que je m’en souviendrai toute ma vie.


Puis, la deuxième, c’est ma dernière émission. Je la fais un vendredi, avant-veille de Classico, et le hasard a tellement bien fait les choses que j’étais avec Benoit Cheyrou et Smail Bouabdellah. Et là, je t’avoue que ça a été dur de garder des larmes, je n’ai pas pleuré, mais j’avais la gorge nouée. C’est tellement inattendu que je fasse ma dernière émission chez MediaPro avec mon pote, que je retrouve ensuite chez Amazon… ».

  • Enfin, si Alexis Grasso, n'était pas présentateur, que serait-il ?


AG : "Je pense que ça aurait tourné autour de l’humour ou du cinéma car j’ai toujours été attiré par la scène. Un truc dedans sans être trop précis. Après, aujourd’hui, je t’ai dit je suis papa depuis 1 an, et avant Prime, je pensais rester dans le journalisme en faisant des podcasts sur la paternité car c’est quelque chose qui me touche de plus en plus !" .