Entretien avec Guillaume Galletier

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par Soane Deltour


En ce temps de trêve hivernale pour permettre aux rugbymans internationaux de disputer des matchs amicaux, Guillaume Galletier, joueur du CABCL, s’est gravement blessé au genou le rendant indisponible bien plus longtemps que prévu. Malgré tout, il a accepté de répondre à nos questions et de revenir sur son parcours, l’homme qui l’est devenu, ses projets ou encore ses anecdotes.


  • Galletier et les blessures



C’est un samedi 29 octobre 2022, à la 53e minute du match Brive / Racing 92 (38-43) comptant pour la 9e journée de Top14, que Guillaume Galletier se blesse au genou en se fracturant le péroné. « C’est une blessure grave étant donné qu’elle a nécessité une opération, mais on a tablé sur un retour début mars si tout va bien » nous a-t-il confié. On dit qu’il faut toujours voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Alors, retenons le positif de cette blessure qui de par l’histoire du joueur, sera traitée de bien meilleure façon avec davantage d’expérience et de lucidité. Parce que oui, Guillaume Galletier et les blessures ont malheureusement déjà eu l’occasion de faire connaissance lors que ce premier avait 18 ans.


Originaire de l’Hérault, il réalisera toutes ses gammes dans le coin en passant de l’école de rugby de Jacou au pôle espoir de Béziers sans oublier toutes les catégories jeunes gravies au MHR, décorées par un titre de champion de France (génération 1997). Un trophée arrivant presque en même temps que celui de champion d’Europe avec l’Equipe de France junior. Pourtant, c’est bien lors d’un des plus grands moments de sa carrière que son premier coup dur va le toucher et plus particulièrement aux fameux « ligaments croisés ». La fameuse excuse que beaucoup utilisent pour justifier qu’ils ne sont pas devenus professionnels. Pour Galletier, c’est la dure réalité de la vie qui l’éloignera 9 mois des terrains. « Le timing de cette blessure était catastrophique dans le sens où je me fais mal en finale de championnat de France avec Montpellier, alors que je venais de signer mon premier contrat avec Lyon en quittant le club de ma jeunesse » confia-t-il. C’est un peu comme quand le jeune poussin quitte le nid maternel pour vivre de ses propres ailes. « Lyon était déjà un énorme changement pour moi. Je venais de quitter le lycée, d’avoir le permis, mon premier appartement. D’un coup, je me suis retrouvé seul, dans une ville bien plus grande, un nouveau club sans avoir de repère et tout ça en étant blessé. C’était très dur ». De là, Guillaume Galletier a vécu une période sombre dans laquelle il a perdu confiance en lui et en son jeu, étant éloigné du groupe et des terrains. « J’en ressort bien plus mature car j’ai appris de mes erreurs » se réjouissait-il.

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  • Galletier et le rugby montpelliérain


La famille Galletier est familière dans les couloirs de l’Altrad Stadium, désormais renommé GGL Stadium. Du père, joueur montpelliérain tout comme les oncles qui étaient également capitaines, au cousin Kélian Galletier, vice-capitaine il y a quelques saisons, voir Guillaume évoluer sous les couleurs héraultaise était une formalité. D’autant plus que c’est un sportif depuis le plus jeune âge en ayant notamment pratiqué du judo, de l’athlétisme ainsi qu’une dérive de la MMA (Mixed Martial Arts). Pourtant, tout ne se passera pas aussi bien même si Guillaume Galletier préfère positiver. Lors de son premier passage au MHR, il sera bloqué par le coaching de l’entraîneur Jake White qui, fraichement arrivé, voulait des résultats rapidement. « Il n’y avait aucune issue pour les jeunes » disait-il. Un court passage du côté rhodanien et plus précisément à Lyon, et le voila de retour seulement un après son départ de la 7e plus grande ville de France. « Une fois que Jake White était parti, le club a voulu rappeler tous les éléments transférés sous la houlette du coach sud-africain et je n’ai pas pu résister à leur sollicitation » confiait-il. Un retour aux sources pour l’enfant du pays qui lui fera engranger une sacrée dose d’expérience. « Je m’entraînais au quotidien avec l’équipe première et mon cousin, j’ai été dans le groupe élargi quand Montpellier perd la première finale de Top14 au Stade de France, j’ai pu côtoyer des mecs comme François Steyn, donc c’était une expérience incroyable » se rappelait-il. Le chapitre montpelliérain s’est conclu par un nouveau départ, tout aussi dépaysant que le premier après l’éclosion d’un certains international Arthur Vincent (14 m / 1 essai), évoluant au même poste que Guillaume Galletier, ¾ centre, lui bloquant donc à son tour la route.


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  • Galletier et les projets extra-sportifs


Outre le rugby, l’Hérault est la région où Guillaume Galletier a réalisé l’ensemble de sa scolarité tout en y fondant les bases d’un de ses plus gros projets extra-sportifs. Décoré d’un bac littéraire à la sortie du lycée, il nous avouait s’être un peu cherché avant d’obtenir un BTS en communication sans pour autant avoir de métier en vue. Mais c’est bien un projet totalement différent qui viendra à la sortie de ses études. Il prendra le nom de Chez bebelle, restaurant que l’on peut retrouver aujourd’hui dans les Halles du Lez à Montpellier. Tout ça part du souhait d’un certains Gilles Belzon, ex-président du club de rugby de Narbonne, propriétaire du restaurant Chez bebelle dans la ville balnéaire, de se développer sur Montpellier. Ami de longue date des pères de Guillaume et Kelian Galletier, les deux fils se sont retrouvés très rapidement affiliés au projet et y ont participé suffisamment pour en être aujourd’hui, totalement propriétaires. “Avec Gilles, nos routes se séparent. Avec mon cousin, on a donc décidé de racheter ses parts ce qui va nous permettre d’y mettre un peu plus notre touche et ça commence par le changement de nom » annonçait-il. Chez bebelle va donc devenir Chez mimine en hommage à un de leur ex-associé et ami brutalement décédé en été dernier. Rassurez-vous, l’esprit du culte de la viande rouge reste bel et bien intact. Il nous a d’ailleurs confié qu’un autre projet était également en développement du côté de Brive avec son coéquipier Daniel Brennan. Affaire à suivre…


Après avoir mis les deux pieds dans la viande, c’est dans les cagettes de fruits et légumes que Guillaume Galletier s’est empressé de les mettre. Nous sommes le 30 octobre 2020 lorsque la France est plongée dans une situation de crise sanitaire de la plus haute importance à cause du virus appelé le COVID-19. Emmanuel Macron, président de la République, pris la lourde décision d’appliquer un confinement général et de stopper tous les championnats sportifs. C’est alors, que Guillaume va se réfugier chez sa mère, habitant dans un village gardois. Ayant oublié sa playstation et ne disposant pas de matériel pour s’entraîner sportivement, il propose son aide à une connaissance qui lançait sa livraison de fruits et légumes. En manque de main d’œuvre, l’entreprise agricole rapatrie le rugbyman comme livreur. Il enchaînera de manière quotidienne et pendant tout le confinement, une journée pleine de travail agricole (ramasser les fruits et les livrer) avant de faire en début de soirée son programme d’entretien délivré par son club. « Durant cette période, globalement difficile pour tout le monde, cette expérience m’a permis de faire de très belles rencontres. Après le travail, on passait de supers moments conviviaux et chaleureux autour de grillades ou bons repas. C’est ce qui a fait de mon confinement un bon moment » se réjouissait-il.


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Guillaume / Kelian

  • Galletier et sa nouvelle vie


Entre ses deux escales au MHR, Guillaume Galletier a posé ses valises une saison au Lou Rugby, localisé dans la cité lyonnaise. Malheureusement, il n’y disputera qu’un seul match, tout de même son premier en Top14 puisqu’il s’est lourdement blessé juste avant d’arriver (à retrouver plus haut). « Je sais que si je ne m’étais pas blessé, les choses auraient été différentes. C’est tout de même une expérience qui aura marqué ma carrière et ma vie car j’ai été dans le dur et j’ai véritablement souffert » dixit Guillaume Galletier. Pourtant, à la fin de sa seconde histoire avec Montpellier, il n’hésitera pas à tout quitter une nouvelle fois en signant avec le club, tout fraichement promu en Top14, pour une énième fois, le CA Brive. Choix initialement pas si facile que ça au vu du changement de style de vie. “Figurez-vous que Brive est pénalisée par une mauvaise pub. Je suis tombé sur une ville hyper agréable, charmante où y a tout ce qu’il faut, où on vit bien, où il y a des super restos, bars, des magasins. L’acclimatation s’est rapidement faite. Brive est une très belle ville et j’y particulièrement heureux » s’exclamait-il. Surpris par le bon vivre qui règne dans la ville corrézienne, il n’en est pas moins de l’ambiance 100% coujoux qui fait trembler le Stadium Municipal toutes les deux semaines. « Je pense que pour nos adversaires, c’est un terrain hostile et les supporters aiment le cultiver. Brive est une ville qui vit pour le rugby, où tu sens que tout le monde pousse derrière toi. Dans des moments difficiles comme maintenant, on se doit de redoubler d’efforts pour les rendre fier. J’ai des souvenirs incroyables dans ce stade et j’espère qu’il y en aura d’autres… ».


Alors qu’il enchaîne depuis plusieurs années maintenant des saisons pleines avec près de 20 matchs disputés à chaque fois, le seul point noir pourrait être le manque de statistiques. Hypothèse confirmée après voir demandé à l’intéresser : « Sincèrement, ça m’embête. J’ai plus de 50 matchs avec le CAB pour qu’un seul essai marqué. Je veux marquer en Top14, je veux marquer au Stadium » disait-il. Il ne lui restera pas beaucoup de temps s’il veut réaliser ses souhaits après sa convalescence car Guillaume Galletier est en fin de contrat avec le club à l’issue de la saison. A moins que…


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  • Mais qui est réellement Guillaume Galletier ?


En attendant, le natif de Montpellier a conquis les cœurs des gens partout où il est passé. Il ressemble un peu au gendre parfait qu’il faut absolument présenter. "C’est quelqu’un de très gentil, serviable, toujours prêt à aider", détaille Xavier Mazières qui lui préparait les cagettes de fruits à livrer pendant le confinement. Ou encore Mathis Ferté, coéquipier de Guillaume, questionné en parallèle de l’interview : « C’est une personne très agréable et attentionnée sur et en dehors du terrain. Il nous encourage tout le temps, nous conseille, nous dit que des choses positives. Puis dehors, il nous parle et s’intéresse à nous. Personnellement c’est une personne que j’apprécie beaucoup ». Décris comme une personne avec le cœur sur la main, Guillaume Galletier l’a aussi sur le terrain mais cette fois le cœur prend la forme ovale. « Si je devais lui piquer un truc, ça serait sa générosité. Au rugby, il fait toujours le sale boulot pour les autres, c’est un mec avec qui tu peux aller les yeux fermés car il ne te lâchera jamais » dixit Enzo Hervé, ami et coéquipier, également questionné au vu de l’entretien.


A défaut d’avoir « des qualités hors du communs qui ne lui permettent pas de traverser le terrain » nous disait-il, il a su travailler sur d’autres aspects semblables aux valeurs du club corrézien. Rugueux, physique et très combatif, Guillaume Galletier aime défendre et faire le sale boulot comme le veut l’expression. Ce qui lui vaudra l’honneur d’être comparé à son inspiration Arnaud Mignardi, légende du club aux caractéristiques similaires.


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  • L'anecdote de Galletier by Enzo Hervé


E.H : "Un jour, avec Brive, on jouait à Montpellier et il était particulièrement motivé de jouer car c’était son ancien club. A l’échauffement, on était tellement excités que sur un exercice, il a voulu aller à fond dans un bouclier en mousse et moi je devais venir au soutien. Bah je lui ai mis un énorme coup de genou dans la tête et au final, j’avais une énorme béquille tellement que j’ai failli ne pas pouvoir jouer. Lui, il a fait une petite commotion..."


G.G : "Franchement, si c'est pas contre Montpellier, je pense que je ne joue pas le match. Il m’a mis un tel coup de genoux dans la tête que j'étais allongé sur le terrain. Pendant un petit moment, j'ai vu des étoiles. Je me suis relevé avec un énorme œuf sur le front. J'aurai peut être dû prendre le temps de voir comment j'allais au lieu de jouer directement..."

  • Si Galletier n'était pas rugbyman, que serait-il ?


G.G : "Très bonne question, j'y ai déjà souvent réfléchi sans pour autant trouver de réponse..."