Entretien avec Emmanuel Imorou

Picture

par Soane DELTOUR


Ancien footballeur professionnel et international béninois, Emmanuel Imorou est aujourd'hui consultant Prime Vidéo, responsable Médias Presse pour la Berrichonne de Châteauroux ou encore patron d'une conciergerie immobilière. L'homme aux multiples carrières a accepté de répondre à nos questions.


PJ : "Tout d’abord, d’où vous vient cette passion pour le sport et en particulier pour le football ?"


E.I : "Tu sais, le foot, c’est un peu le « sport facile » et le plus accessible. J’ai donc commencé à jouer dans la cour de récréation avant de m’inscrire dans un club. Selon moi, c'était logique, car il n’y avait rien d’autre qui me plaisait. Mon père était aussi un fan de football donc je pense que ça a facilité les choses."


PJ : "Est-ce que vous en pratiquez d'autres ?"


E.I :"Actuellement, je fais du futsal, ça reste du foot certes, mais pour moi, c’est vraiment un autre sport que ce soit dans l’approche technico-tactique ou dans les efforts. Après, en loisir, je fais du badminton et du padel. C’est un sport qui est accessible contrairement au tennis, qu’il faut un minimum pratiquer pour savoir jouer."


PJ : "Aviez-vous des idoles ou des joueurs qui vous ont fait aimer le football ?"


E.I : "C'étaient ces deux joueurs-là. Zinédine Zidane, parce que… fin ça ne se justifie même pas, c’est Zidane quoi. C’est le joueur qui a marqué toute mon enfance. J’ai beaucoup de souvenirs avec lui, les Coupes du Monde 98 et 2002, l’Euro 2000… après j’ai beaucoup plus été marqué par ces épopées en Équipe de France que celles en clubs, car je n’avais pas Canal +, donc je ne pouvais pas le voir jouer à la Juve. Concernant Thierry Henry, je l’appréciais surtout car il allait très vite, et que c’était l’une de mes principales qualités. On était métisses tous les deux, le crâne rasé. Donc l’identification avec lui était super facile. J’ai toujours adoré ce que les Français détestent chez lui, cette confiance en lui, et non pas de l’arrogance, car pour moi, ça n’en est pas. Je me rappelle d’un match contre le Réal, où il élimine Mejia et Guti, évite le tacle agressif de Sergio Ramos avant de fusiller Casillas, et va faire le signe “chut” devant les tribunes du Bernabéu..."


PJ : "Est-ce que le Henry consultant vous l’appréciez autant ?"


E.I : "Ouais ! Souvent, ce qu’on fait avec mon pote Dennis Appiah, quand il y a des phrases typiques Henry, on se les envoie et on rigole dessus ! Son comportement et sa façon de parler sont aussi des choses que j’adore. Il y a eu de très bons joueurs qui n’ont pas été de bons consultants, et qui ne sont là que pour leurs noms. Henry, lui, fait partie de ses joueurs qui ont d'abord eu une grande carrière, et quand ils parlent du foot, on les écoute."


PJ : "Avez-vous des joueurs qui vous marquent aujourd'hui ?"


E.I : "Paradoxalement, je regarde beaucoup moins de foot qu’avant alors que j’y ai beaucoup plus accès. Je ne l’ai pas lâché, mais je ne m'accorde pas assez de temps pour regarder des matchs comme j’aime les regarder, en analysant tactiquement les joueurs et/ou le match. Donc bien évidemment, Kylian Mbappé. Un peu comme Henry, il a conscience de sa force et de son potentiel. Il arrive parfois à prendre position comme lors de l’affaire avec les sponsors ou avec Zidane et Le Graët. À tort ou à raison, mais le fait de vouloir faire bouger les choses, j’aime bien."


PJ : "Avant de se pencher sur votre parcours de footballeur, quelles études avez-vous suivies ?


E.I : "Je suis arrivé à Châteauroux à l’âge de 18 ans, en terminale. J’avais des horaires aménagées pour pouvoir m’entraîner à côté, mais j'ai quand même eu mon Bac S. Sans me jeter des fleurs, j’étais un très bon élève donc je n'avais pas besoin de forcément travailler pour avoir de bons résultats. C’est une chance, et j’en suis conscient. Une fois que j’ai eu mon diplôme, j’ai essayé de continuer à distance en compta, mais à distance [soupire]… c'est impossible ! En tout cas pas à 18 ans avec le foot à côté. Donc j’ai assez vite lâché pour reprendre en 2019 des études en communication digitale que j’ai aussi fait à distance. J’ai passé un diplôme reconnu par l’Etat semblable à un Bac+3. L’organisme de formation est Open Classroom, diplôme pour être Community Manager notamment."

Picture

PJ :"Vous avez été attaquant ou milieu offensif gauche et latéral, donc polyvalent. Comment caractérisez vous le joueur et l'homme que vous étiez ?"


E.I : "J’ai joué à ces postes offensifs jusqu’en 2008, date de la signature de mon premier contrat pro. Je n’ai jamais été un joueur technique, c’est-à-dire qui dribble et élimine, mais intelligent dans le sens où je savais utiliser mes qualités et masquer au mieux mes défauts. Ma troisième année à Châteauroux se passe moins bien, je ne marque pas de but et en fait, ça m’a permis de me rendre compte que je n'étais pas comme les vrais buteurs. J’aimais bien en marquer, mais je n'étais pas assoiffé de buts, je n'étais pas un tueur. C’est le coach Frédéric Zago qui me teste latéral gauche et ça s’est très bien passé puisque seulement 2 mois après, je joue mon premier match avec les pros à ce poste là. Je signe mon contrat par la suite et tout s’enchaîne. Mais ce que je retiens, c’est qu’en découvrant un nouveau poste, tu te découvres de nouvelles qualités ou compétences. Et en l'occurence, ce qui m’a vraiment marqué, c’est la concentration. Car quand t’es attaquant, t’as presque pas besoin de te concentrer à part dans les derniers gestes. Alors que quand tu es défenseur, tu dois l’être tout le temps ! Si tu gagnes 1, 2, 3, ou 4 fois ton duel face à l’attaquant, mais que le 5e, tu le perds et que ça fait but, c’est lui qui aura gagné au final.


Ensuite, je dirai que je suis un homme respectueux et j’essaye d’être juste. Je le relativise toujours, et je pense que c’est l’une de mes plus grandes forces. Être capable de réfléchir avant d’agir, de prendre du recul sur la situation pour éviter d’agir dans la précipitation, je pense que c’est ma plus grande qualité même si ça peut être un défaut. Ça m'a aidé dans l’approche des matchs ou dans les différentes périodes, que ça soit pour ne pas m’enflammer ou me dire que je n’étais qu’une merde."


PJ : "Vous rejoignez rapidement le centre de formation de la Berrichonne Châteauroux avant d’y signer ensuite votre premier contrat professionnel à l’âge de 20 ans. Que retenez-vous de cette époque ?"


E.I :"J’ai rejoint le centre à l’âge de 16 ans et je pense que pour tout joueur, ces années au centre de formation sont des années que l’on n'oublie pas. Parce que c’est un centre de formation de footballeurs, mais aussi d'hommes. Personnellement, ce qui m’a marqué, c’est que j’ai toujours joué en régional, et encore, je ne l'ai connu que 4 ans avant d’arriver à Châteauroux. Alors que j’arrive là-bas, je suis dans un système où je suis qu’avec des mecs qui ont fait Clairefontaine ou qui sont dans des clubs pros depuis qu’ils ont 7, 10 ou 12 ans donc ils sont déjà dans le système. Pour moi, c’était ‘je vis une nouvelle expérience et on va voir ce que je peux apprendre’. Puis, je savais que sur pratiquement tous les aspects d’un footballeur, je suis moins bon qu’eux, que ce soit technique, tactique ou physique. Je me suis donc fait tout petit, mais ça reste des superbes années, car j’ai appris beaucoup de choses. Malgré les nombreux sacrifices, car quand t’as 17 ou 18 ans, que tu vois tes potes hors du foot qui commencent leurs vies d’adultes et toi t’es pas en prison, mais dans un cadre hyper strict et il ne faut surtout pas lâcher, car il y en a 20 autres à côté de toi qui pètent la dalle, qui veulent être pro et que si ce n'est pas toi, bah ça sera eux et ça t’apprend beaucoup sur la vie. "


PJ : "As-tu bien vécu ton départ du cocon familial ?"


E.I : "Dans l’ensemble, oui. Mais après, si ce n'était pas cette année-là, je partais celle d’après pour les études, car j’étais en terminale. On peut dire que j’ai eu cette chance-là de quitter le cocon familial “assez tard” pour un footballeur. Parce qu’il y en a qui sont partis à l’âge de 12 ans et moi, on peut dire que j’avais cette fraîcheur et que je n’étais pas “robotisé”. En plus de ça, j’étais au centre de Châteauroux alors que j’habitais à Bourges. Ce n’était qu’à une heure de route donc mes parents venaient voir mes matchs et je pouvais rentrer assez souvent. Donc ça a été dur au début, certes, mais dans l’ensemble, c’est une superbe expérience."

Picture

PJ : "Votre première saison en Ligue 2 est mitigée avec un total de 7 matchs disputés. L’année d’après, vous êtes prêtés à Gueugnon en National où là, bien que le club finisse 16e, vous allez être titulaire indiscutable et réaliser une belle saison. À votre retour de prêt, Châteauroux vous gardera malgré l’intérêt de grosses écuries françaises comme Saint-Etienne ou Lille. Quel souvenir gardez-vous de cette période et comment expliquez-vous votre choix de rester à Châteauroux ?"


E.I : "Oui, ma première année à Châteauroux a été compliquée, car au début, je jouais. Mes 7 premiers matchs, je les dispute pendant les 12 premiers matchs et tout change lorsque Dominique Bijotat arrive. A partir de là, je joue plus du tout et je demande un prêt, car j’avais besoin de temps de jeu. Je pars donc à Gueugnon où là, je vais changer ma vision du foot. En arrivant en National, j’ai découvert un état d’esprit qui me plaisait beaucoup plus, c’était plus tranquille, ça faisait moins milieu de requins. Sur le plan sportif et humain, ça a été exceptionnel malgré le cas Tony Vairelles. Il est arrivé en tant que nouvel entraîneur et a commencé à poser ses premiers pions. Il a fait jouer son frère, son cousin et ça a causé beaucoup de tensions dans le vestiaire jusqu’à créer 2 clans, un clan Vairelles et les autres. Malgré ça, j'ai joué 22 matchs et j''ai commencé à être convoité.


Pour l’anecdote, à cette époque, l’ASSE était intéressée par moi. J’ai le directeur sportif de l’époque au téléphone, il y a même Christophe Galtier qui vient me voir jouer en National. Malgré mon bon match, les gens qui l'ont vu m'ont dit qu'il était parti à la 70e. Mais je n'ai eu aucun regret, car en soit, j’avais réussi mon match, c'est juste que je n'avais pas le niveau pour un tel club. Puis, j’ai été convoité par Lille, mais le contact le plus chaud était avec Le Mans, qui jouait le maintien en Ligue 1. Je vais visiter leurs installations en avril, c’était à l’époque où il y avait encore les Dossevi et Corchia. Finalement, ils descendent, mais ils sont toujours intéressés par moi, donc on se met rapidement d’accord sur le contrat et dans ma tête c’était clair, je voulais et j’allais signer au Mans. Et d’un coup, Châteauroux me dit qu’en fait, je ne partirai pas pour moins de 500 milles euros... Je leur dis “attends, je ne comprends pas là. Quand je suis là, vous me faites jouer 7 matchs et là, je suis en National, je n'ai que 7 matchs de Ligue 2 dans les jambes et il me reste qu’un an de contrat, et vous demandez 500k ? C’est une blague ?”. Donc, forcément, le Mans ne pouvait pas mettre cette somme sur moi, donc je suis resté à Châteauroux, fin, je n'avais pas trop le choix… Puis là, nouveau coach, en la personne de Didier Ollo, qui m'a dit que pour lui, je n'étais pas un latéral, mais milieu gauche. La saison s’est super bien passée, je fais 30 matchs, la moitié comme titulaire."


PJ : "Que gardes-tu de ta dernière année à Châteauroux ?"


E. I : "C’était une année de transition pour moi vu que j’étais dans ma dernière année de contrat. Je voulais partir puisque je n'avais pas digéré le coup que Châteauroux m’avait fait, et sur le plan sportif, la saison s’est bien mieux déroulée. Après, voilà, je me suis beaucoup projeté sur l’année d’après, car j’étais convoité et j’ai rapidement signé un pré-contrat avec Braga avant de les rejoindre à la fin de la saison."

Oui, Clermont a été un réel tremplin dans ma carrière !

Emmanuel Imorou

Picture

PJ : "Après l’époque castelroussine, vous faites un court trip à l’étranger, à Braga au Portugal où vous allez pouvoir découvrir la Ligue Europa. Est-ce que jouer à l’étranger était un véritable souhait ?"


E.I : "Un véritable souhait, non. J’aurais aimé rester en France, mais je n'ai pas eu d’offres à part celle de Clermont, mais financièrement, c’était beaucoup plus intéressant d’aller au Portugal. Au-delà de ça, c’est un autre niveau, car c’est de la D1 et c’est un des 3 ou 4 gros clubs portugais, En plus, l’année où je signe, ils sont finalistes d’Europa Ligue donc je savais où je mettais les pieds. L’entraîneur m'a carrément appelé pour me dire que je n’y allais pas pour compléter l’effectif… Cette expérience m’a permis de faire un véritable bond dans ma carrière, car d’une part, je gagne beaucoup plus d’argent, et car ma valeur a augmenté. Footballistiquement parlant, ça commence très bien puisque je suis titulaire, mais je me blesse deux fois coup sur coup ce qui va me mettre out pour le reste de la saison puisque quand je reviens, l’équipe tourne super bien, on était premier."


PJ : "Libre de tout contrat malgré votre longue signature avec Braga (5 ans) finalement rompue, vous disputez deux saisons complètes avec Clermont, qui est une période importante de votre carrière. Est-ce que l’on peut caractériser cette expérience comme le tremplin de votre carrière ?"


E.I : "Clermont en réalité, ça fait très longtemps qu’ils me voulaient, car l’année où je pars à Gueugnon en prêt, ils me voulaient déjà. Mais ça, Châteauroux ne me l’a pas dit, donc je ne l’ai appris que des années et des années après.


Un des éléments qui prouve comme quoi ma valeur a augmenté après mon passage à Braga, c’est Clermont. Car ils m’ont fait une offre juste avant que j’y aille, et ils m'en refont une à la fin de la saison et ils ont doublé leur proposition financière. Donc, là, ça devient très intéressant pour moi, car l’aspect financier suit, je reviens en France, en Ligue 2, dans un club où j’ai un réel statut. Un peu comme quand je suis allé à Gueugnon. Mes 2 années à Clermont se passent très bien, je joue une soixantaine de matchs et je m’y suis vraiment senti à l’aise. C’est ce club-là qui permet de me révéler en France et de signer en Ligue 1 par la suite. Donc oui, Clermont a été un réel tremplin dans ma carrière. C’était la première fois que j’étais considéré comme un véritable titulaire dans un club de Ligue 2. C’est même à ce moment-là que ma carrière professionnelle débute vraiment !"


PJ : "Pourquoi avoir quitté le club auvergnat alors qu’il vous a « lancé » ?"


E.I : "À cette époque-là, j’étais en fin de contrat et ce n'est pas du tout péjoratif, mais Clermont était un club moyen de Ligue 2. Je voulais donc signer soit dans un club vraiment ambitieux de Ligue 2 ou en Ligue 1. Et assez rapidement, sur ma deuxième saison, Caen m’appelle et ils ont pour objectif de jouer le haut de tableau. Sauf que Caen n'a pas réalisait pas un superbe début de saison, je crois même qu’on était devant eux à la trêve. J'hésitais vraiment à signer là-bas donc j’essayais de gagner du temps sur la proposition pour voir si d’autres arrivaient. Le temps passe puis en février, Angers m’appelle et à ce moment-là, ils étaient premiers de Ligue 2 avec 9 points d’avance et 2 ou 3 matchs de retard. Donc, je me suis dis, c’est sûr qu’ils vont monter puis au pire des cas, il y a Caen, qui était en train de très bien revenir et si tout se passe bien, je vais jouer en Ligue 1. Même technique, j’essayais de gagner du temps pour voir qui se positionnait le mieux, et en fait Angers s'effondre et ne monte pas, et Caen fait un énorme come-back sauf qu’à ce moment-là, ils me voulaient plus… Donc, malgré ma bonne saison avec Clermont, je me suis retrouvé sans rien. En plus de ça, j’ai un petit garçon qui naît, mais prématuré, donc hôpital et tout ce qui va avec...Même s’il était en bonne santé, sa sœur ne pouvait pas le voir, puis je n’avais pas de club, je me suis séparé de mon agent, car en fait soit disant, il contactait des clubs, mais j’ai la preuve que non, donc ça a été une période assez lourde. Et en fait, signe du destin, le directeur sportif de Caen, me rappelle et me dit qu’ils ont changé d’avis et qu’ils me voulaient. Voilà comment débute mon histoire caennaise."

Picture

Je retiens que du positif de Caen, je suis un Caennais d’adoption, c’est chez moi là-bas ! Mon rêve ultime aurait été de finir ma carrière là-bas…"

Emmanuel Imorou

PJ : "Encore une fois libre, vous vous engagez avec Caen avec qui vous allez disputer près de 60 matchs, et même marquer votre premier but en L1 un soir de 26 septembre 2015. Quel a été votre sentiment de marquer votre premier but en L1 ?"


E.I : "Indescriptible ! J’étais un défenseur qui marquait jamais. Pour te dire, j’ai mis un but en National,1 en Ligue 2 et un en Ligue 1. À ce moment-là, pour moi et à mon niveau, j’avais fini le jeu. Je peux dire à tout le monde et toute ma vie, j’ai mis un but en ligue 1 et j’ai joué en Ligue Europa [rires] ! En plus, à ce moment-là à Caen, je marchais sur l’eau et ce but-là est l’apothéose de ma carrière. Car je sortais d’une année civile 2015 qui était incroyable, sur la phase retour de la saison 2014-15, j'ai fais tous les matchs et toutes les minutes, et celle d’après, pareil, j'ai fais une très bonne première partie de saison. Je retiens que du positif de Caen, je suis un Caennais d’adoption, c’est chez moi là-bas ! Mon rêve ultime aurait été de finir ma carrière là-bas…"


PJ : "Enfin, vous faites un dernier saut à l’étranger et en Belgique qui va vous rapporter votre premier trophée. Tout d’abord, que retenez-vous de cette expérience ?"


E.I : "Globalement, je retiens que du positif de cette expérience même si initialement à Bruges, j’y suis allé à reculons. J'ai commencé la saison avec Caen, le coach m'avait dit que j'étais une doublure et j'ai accepté, car sur les deux dernières années, je n'ai pas beaucoup joué à cause de mes blessures. Et en fait, dès le deuxième match, le titulaire, Vincent Bessat s'est blessé, et ce n'est pas moi qui ai joué et ni le match d’après. Donc j'ai très rapidement compris que le coach m’avait menti et que je n'étais pas un numéro 2 et donc j'ai du vite trouver une porte de sortie, car le championnat avait déjà commencé. Il y a eu Lens et Niort qui se sont positionnés puis Bruges, club satellite de Monaco. Donc j’y suis allé et au final, ça s'est plutôt bien passé. Il y a eu ce trophée au bout d’une finale aller-retour qui est l’un de mes plus beaux souvenirs de ma carrière ! Les stades étaient remplis, que ça soit au match aller ou au retour. À l’extérieur, c'était vraiment une ambiance hostile comme je les aime. Puis le scénario… On perd 1-0 là-bas, on gagne 2-0 chez nous, puis ils marquent un but à la 85e donc avec la règle du but à l’extérieur, ils sont qualifiés, et on gagne sur un penalty à la 92e je crois donc des frissons de malade !!"


PJ : "On n’en a pas parlé jusqu’ici, mais vous êtes international béninois avec qui vous avez disputé la CAN à deux reprises. Pourquoi avoir choisi cette sélection quand on sait que vous n’aviez aucune attache avec ce pays ?"


E.I : "Grâce à mon père, j’ai la nationalité béninoise. Mais je n’avais aucune attache réelle avec ce pays, je n'y étais jamais allé et je n'avais aucun membre de ma famille là-bas. Je n'avais donc pas cette “attache du cœur” comme certains binationaux ont. La sélection m’a pourtant convoitée assez tôt. Ils me contactent pour la première fois lors de ma première année à Châteauroux, mais je ne voulais pas, car pour moi, c’était trop tôt, je n'étais pas prêt. Puis, ils se sont qualifiés pour la CAN 2010. Et là, forcément, c’était une énorme opportunité sportive, car j'étais à Gueugnon, j'avais 20 ans et je pouvais disputer un tel événement. De là, j’ai intégré la sélection et ça reste un des moments marquants de ma vie car j’y ai vécu des moments forts. Tu représentes un pays, t’as tout un peuple derrière toi, en plus de ça, il y a eu cette CAN 2019 où on élimine le Maroc et on va en quarts de finale contre le Sénégal… C’était un truc de fou ! Après voilà, on a quand même aussi eu des moments hyper galères. Une fois, on a fait Bénin-Ghana en bus, ouf…c’était une mission. Parfois, on allait dans des misérables hôtels où on n’avait pas d’eau dans la douche… Mais pour le coup, on a eu cette chance-là aussi, de ne pas avoir un public qui nous agresse quand on perd comme on peut le voir avec d’autres sélections."


PJ : "Vous raccrochez les crampons à Évian en niveau amateur. Pourquoi ne pas l'avoir fait à Caen comme vous le désiriez ?"


E.I : "Je n'ai pas fini ma carrière à Caen, car déjà, la même année, on descend, et ça reste le premier vrai échec sportif de ma vie. Ça reste ancré en moi et tant qu'ils n'auront pas renoués avec la Ligue 1, je me sentirai coupable de ça, car ce club mérite d'y être. Et en fait, ils n'ont pas gardé le coach et un nouveau directeur sportif est arrivé. Ils ont commencé par me dire qu’ils allaient m'offrir une année de plus avant de me rappeler pendant la CAN 2019 pour me dire qu’en fait, non… Après la compétition, le Mans et Troyes m'ont contacté, j’ai même eu des propositions à l’étranger, en Iran, en Grèce et à Ferencvaros en Hongrie, mais pour un renoi, ce n'était pas le contexte idéal là-bas [rires]. Il n'y avait donc rien qui m’intéressait vraiment donc je suis allé à Thonon, qui était un véritable projet avec beaucoup d’anciens pros et des entraînements tous les jours, bien qu’on soit en Régional. "

Picture

Je ne veux pas rester dans mon confort à faire toujours la même chose

Emmanuel Imorou

PJ : "Aujourd’hui dans la vie réelle, vous n’avez toujours pas quitté le monde du ballon rond puisque vous intervenez sur Prime et vous occupez un poste à Châteauroux. Est-ce un choix de ne pas totalement quitter le monde du foot ?"


E.I : "Oui, je voulais vraiment rester dans le foot, mais pas sur les terrains. Par exemple, être coach, non. Autant, j’adore l’approche technique qu’un coach doit avoir pour aborder un match, autant l’aspect de gestion d’hommes non. Ça doit être un cauchemar. En plus, aujourd’hui, il faut avoir des résultats de suite. Et pour moi, quand tu es coach et que tu veux construire une vraie identité, ça prend du temps. Le meilleur exemple, c’est Clermont. C’était un club modeste de Ligue 2, ils ont pris un coach qu’ils ont maintenu, ils ont vraiment fondé quelque chose de solide en finissant année après année une place plus haute que la saison précédente jusqu’à arriver aujourd’hui en Ligue 1. Ils ont d’abord joué le maintien et là, aujourd’hui, ils le jouent toujours, mais ils sont plus à l’aise."


PJ : "Quand on voit l’exemple de Mathieu Bodmer, ancien footballeur professionnel comme vous, qui excelle en tant que directeur sportif, est-ce que voir Emmanuel Imorou avec de telles responsabilités est envisageable ?"


E.I : "Je ne pense pas. Ce que fait Mathieu est énorme ! On voit dans la vidéo Youtube de Deux nuits avec, c’est un mec passionné, mais pas que. Il a un QI foot super élevé, il a plein d’idées, il est ambitieux, et c’est ça que j’aime dans le foot. Mais il ne faut pas avoir de vie pour faire ça, il faut vivre pour ça ! J’aimerais tellement faire ça, mais c’est tellement de sacrifices et d'exigence que je suis quasiment sûr que ça n’arrivera jamais. Puis, en plus de ton QI foot, il faut connaître toutes les petites entrailles de ce sport, s’y connaître dans toutes les catégories. Faut être un monstre !"


PJ : "Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle à Châteauroux ?"


E.I : "Je suis le responsable média presse, c’est-à-dire que je gère toutes les interventions médiatiques du club. Les conférences de presse, les interviews, les zones mixtes…. Je gère tout ça au sein du pôle communication du club. Je suis accompagné du Community Manager et d’un alternant, présent pour nous aider dans la création de contenu. On essaye vraiment d’avoir quelque chose de cohérent et je pense que pour un club de N3, qui a toujours son statut professionnel, c’est vraiment qualitatif. Après, voilà, on est toujours sous l’emprise des résultats et cette saison, ce ne sont pas ceux espérés donc c’est assez compliqué. Initialement, on voulait rejoindre le plus rapidement la Ligue 2, mais on a dû revoir nos objectifs à la baisse et aujourd'hui, c'est de se maintenir dans le championnat."


P.J : "Puis, vous faites ça, mais pas seulement, vous êtes aussi dans le scolaire en intervenant dans une université à Marseille et dans le monde de l’immobilier. Ce sont deux mondes qui vous intéressent ?"


E.I : "Oui, le fait d’intervenir dans des cours en étant en distanciel est dur, mais j’apprécie vraiment le faire. Après, c’est assez léger puisque je n’ai que 8 heures par an…


À côté, je me suis aussi lancé dans l’immobilier en ouvrant ma société de location de court durée sur Châteauroux, accompagné de deux autres personnes. J’ai sauté sur l’occasion, car le marché immobilier est très intéressant dans cette région là et qu’il n’y avait pas de conciergerie comme nous. Pour être bref, on s’occupe de la gestion des Airbnb des gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas le faire. On optimise la décoration, on prend nos propres photos et on gère l’annonce sur Internet ainsi que les réservations. C'est une ouverture sur des choses nouvelles et je suis friand de ça. Je ne veux pas rester dans mon confort à faire toujours la même chose."

Picture
  • Le TacoTac



  • Mer ou Montagne ? Mer
  • Match en club ou en sélection ? Très dur mais match en club
  • Votre plus beau souvenir sur un terrain ? La victoire 3-0 avec Caen contre le grand Lyon des Lacazette, Umtiti et Tolisso en 2015
  • Le joueur qui vous a le plus impressionné ? Je ne peux pas en citer qu’un, je dirais Ibrahimovic, Mbappé et Chukwueze
  • Le stade qui vous a le plus marqué ? Le Vodafone Park de Besiktas
  • Enfin, si Emmanuel Imorou n’était pas footballeur, que serait-il ?


E.I : "J’aurai sûrement travaillé dans le marketing ou la communication dans une marque de sport. Pour tout vous dire, lors de ma 3e année à Châteauroux, je m’étais inscrit dans un DUT technique de commercialisation même si je n'avais pas d’idée précise. Mais être Community Manager ou Responsable des Médias dans un club comme maintenant m’aurait très certainement plu ! "