Entretien avec Renaud Ripart

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par Maxence Plancher


Véritable légende du Nîmes Olympique avec plus de 240 matchs et 50 buts, actuel joueur de l’Estac de Troyes célèbre pour sa célébration du torero, Renaud Ripart a accepté de répondre à nos questions.


PJ : "Tout d’abord pouvez-vous nous dire qui est Renaud Ripart ?"


R.P : "Je suis un joueur de football professionnel qui évolue en ligue 1 à l’Estac de Troyes, je viens d’avoir 30 ans et je suis un homme marié et père de deux enfants. Natif de Nîmes, c’est là-bas que j’ai passé la grande partie de ma carrière avant de rejoindre l'Aube."


PJ : "Pouvez-vous nous décrire votre parcours footballistique junior et d’où vous est venu cette passion pour le football puisque comme vous l’avez dit dans d’autres interviews, votre famille n’est pas très foot ?"


R.P : "Oui, c’est vrai que mes deux parents étaient très sportifs, mais pas du tout dans le foot. Je ne sais pas vraiment d’où ça vient, mais j’ai toujours adoré taper dans un ballon depuis que je suis petit. J’ai commencé le foot à l’âge de 4 ans au Sporting Club Castanet Nîmes puis après, il y a aussi eu un moment charnière de ma jeunesse qui a été la Coupe du Monde 98. J’avais 5 ans quand la France l'a gagné puis il y a eu l’Euro deux ans après donc cela a fait effet boule de neige sur les jeunes. Sur les deux dernières Coupe du Monde, tout le monde rêve Mbappé et bien moi c’était Zizou et donc j’ai continué le foot à Castanet jusqu’à 12 ans et après j’ai rejoint Nîmes Olympique où je suis passé par toutes les classes de jeunes jusqu’à mes débuts en équipe professionnelle."


PJ : "Vous les faites en 2011 avec Nîmes en National, qu’est-ce que cela fait de jouer pour la première fois pour son club de cœur et qu’avez vous ressenti à la fin de la saison avec la

victoire du championnat de National ?"


R.P : "C’était quelque chose d’incroyable car avant de jouer à Nîmes, j’étais d’abord un supporter depuis petit et je venais en tant que spectateur aux Costières (stade du Nîmes Olympique) donc se retrouver sur le terrain a été quelque chose de particulier. J’ai éprouvé beaucoup de fierté parce que tu as le sentiment d’avoir accompli quelque chose et puis tu as de la reconnaissance de la part des supporters, j’étais impatient de vivre ça. En plus, il y a la montée en Ligue 2 et ce fut quelque chose d’énorme pour moi parce que je ne pensais pas passer toute la saison avec l’équipe première car je n'avais que 19 ans à l’époque. Je ne pensais pas arriver si vite avec les pros et faire autant de matchs."


PJ : "Après quelques années en Ligue 2, vous êtes en manque de temps de jeu et vous êtes prêté au CA BASTIA en national. Comment avez-vous vécu ce prêt ?"


R.P : "Oui, j’ai été prêté pour ma troisième année, j’ai fait 2 ans en Ligue 2 puis j’ai été prêté en National à Bastia. Pour être honnête, je l’ai vécu comme une opportunité dans le sens où ça m’a permis d’avoir du temps de jeu même si pour le coup la saison a été un peu compliquée. Elle a été en dent de scie car il y a eu des moments où je jouais et d’autres non. Avec du recul, je pense que ce prêt m’a énormément servi."


PJ : "Un moyen de vous améliorer pour revenir plus fort ?"


R.P :"Oui oui, je dirais que ça a été un moyen d’évoluer, ça m’a véritablement fait grandir au-delà du sportif. En tant qu’homme aussi, car j’ai quitté mes parents, ma famille, mes amis. J'ai dû très rapidement gagner en maturité donc oui aujourd’hui, je me dis que ça a été une bonne expérience pour moi."

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PJ : "En 2018, avec Nîmes, vous réussissez à finir deuxième de Ligue 2, synonyme de promotion en Ligue 1. Vous allez très rapidement y inscrire votre premier but face à Angers (3-4). Est-ce que ce moment est pour vous une sorte d’accomplissement et de réussite de votre carrière ?"


R.P : "Je ne dirais pas accomplissement, mais forcément, ça a été un moment de réussite énorme, car quelques années avant, jamais je n’aurais pensé jouer autant de matchs en Ligue 1. Donc oui, quand tu marques ton premier but pour ton premier match dans ce nouveau championnat et qu’en plus il y a une victoire à la clef avec un scénario de match fou, c’est incroyable. On perdait 3 - 1, on revient à 4-3, on était tous encore dans l’euphorie de la montée. Je ne l’ai pas vécu comme une sorte d’accomplissement parce que ça voudrait dire qu’il n’y a plus rien après, mais ça m’a prouvé que la marche avec l’élite était peut-être moins haute que ce que je m’étais imaginé. En fait, il fallait que j’ai confiance en moi pour montrer que j’étais capable de jouer en Ligue 1."


PJ : "Est-ce que vous pensiez arriver à ce niveau-là ?"


R.P : "Non pas forcément parce que j’ai commencé en National et en Ligue 2. J’ai ensuite été prêté en National pour ensuite revenir en Ligue 2, donc j’avais l’impression que c’était quelque chose de presque inatteignable, mais bon aujourd’hui, ça a changé et j’ai plus de 150 matchs en Ligue 1 et c’est vraiment une grosse fierté. Si on m’avait dis ça il y a quelques années, je ne l’aurais sûrement pas cru."


PJ : "Qu’est que cela représente pour vous de marquer contre des clubs historiques français comme Bordeaux ou Marseille ?"


R.P : "C’est très plaisant ! Pour revenir sur le match de Marseille par exemple, c’était vraiment incroyable, car je crois que ça faisait 25 ans que le club n’avait pas connu la Ligue 1, puis on revient avec une victoire contre Marseille sur notre premier match à domicile avec un match incroyable, on gagne 3 - 1, je marque...C’est vraiment un moment qui me restera gravé à jamais une fois que j’aurais mis un terme à ma carrière et que j’aurais arrêté le football."


PJ : "Vous connaissez enfin vos premiers derbys contre le grand rival montpelliérain. Comment étaient préparés ces matchs ?"


R.P : "Ce sont des matchs particuliers et surtout pour moi étant Nîmois. Quand j’étais jeune, j’ai joué énormément de derbys et je sais que ce sont des matchs à part. Malheureusement, le premier, s'est très mal passé là-bas. Après ça, on a un peu rééquilibré les compteurs, car on a réussi à s’imposer chez eux, mais je me rappelle surtout des après-matchs. Quand nous étions rentrés à la Bastide (centre d’entraînement du Nîmes Olympique), il y avait un monde incroyable qui était venu nous accueillir malgré la pandémie et le confinement. C’est dans ces moments-là que l’on peut voir que le football n’est pas qu’un simple sport, mais qu’il permet aussi de transmettre des émotions."


PJ : "Un but contre Montpellier, a-t-il une saveur différente d’un but contre l’OM ?"


R.P : "Pour moi, oui, évidemment ! Pour les autres joueurs, je ne sais pas, mais moi forcément. Le fait d’avoir gagné contre Montpellier, d’avoir fait gagner le derby chez eux, à la Mosson (stade du Montpellier Hérault Sport Club), c’est quelque chose qui restera un moment fort et à part de ma carrière."


PJ : "Après chaque but, vous aviez pour célébration le torero, comme la plupart des Nîmois vous êtes un fan de Corrida ?"


R.P : "Ah oui, complètement. C’est quelque chose que je vais voir depuis petit, mes parents m’amenaient souvent aux arènes de Nîmes. Je me suis également construit ma propre culture taurine. Bon, il faut avouer que depuis 1 ans et demi c’est un peu compliqué étant à Troyes (rires) donc je peux moins assister à tout ça mais oui dès ma jeunesse, j’ai eu l’occasion de m’y intéresser et ça m’a tout de suite passionné. Je peux dire qu’aujourd’hui c’est quelque chose qui fait partie de moi et je le revendique fièrement car selon moi, on n’a pas à se cacher d’aimer la corrida car c’est notre culture et notre «droit»."

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"Le corredor" devant les bâches des supporters montpelliérains

Aujourd’hui, voir le Nîmes Olympique dix-neuvième de Ligue 2 me fait mal au cœur

Renaud Ripart

PJ : "Après une difficile saison en Ligue 1, Nîmes est relégué en Ligue 2 et vous rejoignez l’Estac de Troyes. Comment avez-vous vécu ce départ ?"


R.P : "Oui, ça a été un moment compliqué de vivre une descente avec Nîmes, ce fut quelque chose de vraiment difficile à vivre. Prendre la décision de partir a été une des décisions les plus compliquées de ma carrière, mais pour une fois, j’ai décidé de penser à moi, ma carrière et mon avenir. L’Estac m’offrait plus de garanties sportives que Nîmes. J’ai pensé à moi et au final, je ne le regrette pas, car quand on regarde l’évolution des choses ça aurait été compliqué pour moi. Aujourd’hui, voir le Nîmes Olympique dix-neuvième de Ligue 2 me fait mal au cœur."


PJ : "On a pu voir que les supporter de Nîmes vous avaient organiser un bel adieu avec un tifo au jardin de la fontaine cela vous a-t-il beaucoup touché ?"


R.P : "Oui énormément car je ne m’y attendais pas du tout et quand tu vis tant de belles années avec des gens qui te supportent et que même en partant après une descente, tu reçois tout cet

amour autour de toi, c’est forcément quelque chose d ‘émouvant. Il y a toujours des moments à part dans une carrière, mais celui-ci, fut vraiment particulier pour moi, car je l’ai vécu tout seul et pas en équipe. J’ai beaucoup donné quand j’étais à Nîmes et ils m’ont eux aussi beaucoup rendu donc ce petit hommage m’a beaucoup touché."


PJ : "Le club de Nîmes vit actuellement une période sombre de son histoire, que pensez vous de cette situation ? Avez-vous un mot à dire ?"


R.P : 'Il est vrai qu'aujourd'hui’ je vois la situation de loin mais ça n’empêche que ça me fait mal au cœur, de voir que tout ce qu’on avait construit et ce qu’on avait réussi à faire en quelques années avec une équipe et un staff formidable s’est écroulé en deux ans . On avait cette dynamique et ce lien qu’on avait créé avec les supporters. Oui, c’est vrai que ça me fait de la peine, j’espère de tout cœur qu’ils vont s’en sortir, on sait tous que ce sera difficile, mais je suis toujours derrière eux. Depuis le jour où je suis parti de Nîmes, je suis devenu premier supporter de l’équipe et j’espère qu’ils remonteront la pente."


PJ : "On se doute que la raison de votre de départ est de rester dans l’élite, mais avez-vous eu des propositions d’autres clubs ?"


R.P : "Oui, j’avais beaucoup de contact avec plusieurs clubs. Après, il y avait une clause contractuelle, je n’étais pas libre, il me restait deux ans de contrat à Nîmes donc le club demandait un transfert ce qui nécessitait un club en capacité à payer le transfert. Moi ma priorité était de retrouver la Ligue 1 donc quand j’ai eu cette opportunité avec l’Estac, j’ai foncé ! "

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Bien sûr, il reste 9 matchs donc oui tout est encore possible

Renaud Ripart

PJ : "Qu’est-ce qui vous a séduit dans le projet de Troyes ?"


R.P : "Ce qui m’a le plus séduit a été leur projet ambitieux au niveau sportif et puis le club avait été racheté il y a 3 ans par le City Group (société faîtière qui administre les relations entre différents clubs liés à Manchester City ) et j’avais eu un très bon feeling avec le coach de l’époque qui était Laurent Battles. Malheureusement, il est parti au bout 6 mois, mais on avait beaucoup échangé sur ce qu’il attendait de moi et où il voulait emmener le club. Je suis quelqu’un qui marche à l’affect et quand j’ai eu le bon feeling avec ce coach-là, j’ai pensé que c’était le choix à faire."


PJ : "Depuis votre arrivée à Troyes vous avez joué 54 matchs, 6 buts, 3 passes décisives. Comment évaluez vous vos deux premières saisons à l’Estac ?"


R.P : "On va dire que j’ai un sentiment un peu mitigé, car j’ai alterné bons et moins bons matchs puis je me suis un peu blessé l'année dernière ce qui m'a fait rater deux mois de compétition. Après, la première saison reste pour moi un bel exercice même si dans les statistiques ça ne s’est pas trop vu ou du moins pas comme je l’aurais souhaité. L'an dernier, on a rempli l’objectif final qui était le maintien et c'était le principal. Cette année aussi, c’est dur. En ce moment on est dans une dynamique un peu compliquée avec une grosse série de défaites en cours. On est actuellement en zone de relégation, on sait qu’il y a 4 descentes et que ça va être difficile, mais on s’accroche et je suis sûr qu’on va relever la tête et qu’on y "arrivera tous ensemble."


PJ : "Comment s’est passé votre intégration dans le club et plus généralement dans la ville, car ce n’est pas le même climat que Nîmes !"


R.P : "Ah pour le climat ça, c’est vrai, je te le confirme (rires) ! Plus sérieusement, mon intégration au club s’est super bien passée. J'avais la chance de connaître le gardien Gautier Gallon que je connais depuis l’âge de 10 ans et avec qui j’ai été formé a Nîmes donc forcément ça m’a aidé. Après, tous les gens au sein du club, que ce soit mes coéquipiers, le staff et l’administratif ont été bienveillant avec moi. Ensuite, au niveau de mon intégration dans la ville et celle de ma famille, ça a été un peu plus chaotique car j’ai mis du temps à trouver ma maison, une nounou et une crèche pour les enfants mais bon voila ça fait partie de l’apprentissage et il faut faire avec. Aujourd’hui, on est très bien installé tous les 4 avec nos 2 enfants."


PJ : "Comment vivez-vous le fait de jouer avec un champion du monde ? Est-il vraiment comme on le voit sur les réseaux ?"


R.P : "C’est quelque chose de hyper enrichissant ! En plus Adil, c’est un personnage tout le monde le sait, il est exactement comme les gens peuvent le voir sur Internet ou a la télé. C’est vraiment un super mec, il a tout gagné, il a une carrière de fou et malgré tout, il est d’une humilité incroyable. C’est super enrichissant car il a énormément d’expérience et on a beaucoup à apprendre de lui."


PJ : "Actuellement, Troyes est 19e et relégable , même si mathématiquement parlant tout est encore possible, les choses se compliquent. Croyez vous toujours au maintien ?"


R.P : "Bien sûr, il reste 9 matchs donc oui tout est encore possible. Nous n'avons que quelques points d’écarts avec nos concurrents directs qui ne sont pas relégables. Dans le foot, tout va très vite et c’est vrai qu'en ce moment, on est dans une dynamique très compliquée. Mais, il y a tout un club et toute une ville qui nous soutient donc on se doit de tout donner et de ne rien lâcher pour maintenir le club en Ligue 1."

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PJ : "On sait que l’Estac fait partie du City group , est ce que si l’opportunité venait à se présenter vous pourriez être tenté par une nouvelle aventure en MLS aux Etats Unis, en Australie ou même en Inde ?"


R.P : "Écoute pour moi c’est très clair , je ne me suis jamais caché là-dessus, je ne me ferme aucune porte. Je pense que dans la vie, que ce soit dans le foot ou ailleurs, il faut se laisser des opportunités donc ce qui doit se passer se passera. Pour l’instant, je suis focalisé sur cette fin de saison et l’objectif du maintien. Pour ce qui est de l’avenir, je ne me ferme pas de porte et s’il y a des opportunités et bien, on réfléchira, mais je ne suis pas quelqu’un qui se projette à

moyen ou long terme. Je suis reconnaissant de ma situation actuelle et j’essaie de profiter de chaque moment, car une carrière passe très vite."

  • Enfin, si Renaud Ripart n’était pas footballeur, que serait-il ?


R.P : "Et bien, c’est une très très bonne question et je suis très heureux de ne pas avoir à me la poser (rires). En toute honnêteté , je ne sais pas ce que j’aurais fait. J’aurais trouvé quelque chose, car je suis quelqu’un de débrouillard. Ma seconde vie va arriver dans quelques années donc, j’aurais l’occasion d’avoir une réponse !"